Votre traducteur s’est finalement décidé à attaquer cet essai, le dernier du recueil Schicksalswende qui restait à traiter.
Il hésitait en effet devant les extraits de poèmes à traduire. Rendre un poème est en effet plus complexe que la traduction d’un texte théorique. Comme toujours en pareil cas, on laisse à la disposition du lecteur le texte original, pour lui permettre, s’il connait la langue, d’apprécier la beauté des vers, et on propose une traduction. C’est donc par les vers que la traduction a commencé, et elle s’est avérée moins difficile que prévu.
Le deuxième problème soulevé par cet essai est que Johannes Becher est totalement inconnu en France, que ni ses romans, ni ses poèmes n’ont été traduits. Mais il est vrai que cette recension de la poésie lyrique de Becher est l’occasion, pour ne pas dire le prétexte, pour Lukács, d’exposer ses vues en matière d’esthétique.
À côté du reflètement scientifique de la réalité, la littérature est en effet pour Lukács le moyen privilégié de connaître, dans toute leur complexité contradictoire, les états d’esprit des individus qui constituent une nation, une organisation politique etc. Les sujets sont assurément conditionnés par leur origine sociale, l’éducation qu’ils ont reçue, mais aussi par les multiples rapports sociaux dans lesquels ils sont impliqués. Au contraire de la propagande qui ne convainc guère que les déjà convaincus, la littérature permet de faire accéder le plus grand nombre à la connaissance de la réalité, avec la force de conviction qu’ajoute la forme artistique.
Lukács restitue donc à la subjectivité de l’humain la juste place qui lui revient dans la théorie du matérialisme dialectique. Au lendemain de la période hitlérienne qui a conduit Johannes Becher à l’exil, et à combattre par sa poésie lyrique le fascisme, la barbarie et l’inhumanité du fascisme, Lukács met l’accent sur l’humanisme constitutif du socialisme tel qu’il le conçoit.
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