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Nicolas Tertulian sur "Lukács auteur d'un système philosophique" / Les ateliers de la praxis.

Publié le par Jean-Pierre Morbois

Voir sur You Tube la conférence de Nicolas Tertulian

https://www.youtube.com/watch?v=Gf8T8IWApgg

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Lukács 2016 : cent ans de Théorie du roman

Publié le par Jean-Pierre Morbois

Romanesques

revue du Centre d'études du roman et du romanesque de l'Université Jules Verne de Picardie, éditée par les Classiques Garnier

annonce la parution prochaine, courant avril 2016, de son numéro 8 : Lukács 2016 : cent ans de Théorie du roman Au sommaire : un essai inédit de Lukács Reportage ou figuration, dans une traduction de Jean-Pierre Morbois un article de 1932 où Lukács formule des remarques critiques sur le roman de l'écrivain communiste allemand Ernst Ottwald, Denn sie wissen was sie tun.

https://fr.scribd.com/doc/225767000/Ernst-Ottwalt-Denn-Sie-Wissen-Was-Sie-Tun

et des contributions de

Carlo Umberto Arcuri, Anne-Laure Bonvalot, Damien de Carné, Vincent Charbonnier, Belén Gopegui, Jean-Marc Lachaud, Iraïs Landry, Christine Lecerf-Héliot, Jacques Lederer, Louis-Thomas Leguerrier, Michaël Löwy, Jean-Pierre Morbois, Andréas Pfersmann, Nicolas Poirier, Pierre Rusch, Robert Sayre et Alain Schaffner.

Voir la table des matières :

https://fr.scribd.com/doc/300977354/Romanesques-Lukacs-Table-Des-Matieres

Télécharger le bon de commande :

https://fr.scribd.com/doc/300609406/Lukacs-2016-100-ans-de-la-theorie-du-roman

Commander en ligne sur le site des Classiques Garnier

https://www.classiques-garnier.com/editions/index.php?page=shop.product_details&flypage=flypage_garnier.tpl&product_id=2289&category_id=87&option=com_virtuemart&Itemid=1&vmcchk=1&Itemid=1

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Ester Vaisman : Lukacs et la question de l'Idéologie

Publié le par Jean-Pierre Morbois

article publié dans les "cahiers philosophiques", n° 119, octobre 2009.

Lire l'article :

https://fr.scribd.com/doc/272065562/Ester-Vaisman-Lukacs-Et-La-Question-de-l-Ideologie

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"Lukács, lecteur marxiste de Hegel", par Nicolas Tertulian

Publié le par Jean-Pierre Morbois

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Vasilis Grollios : Dialectics and democracy in Georg Lukács's Marxism

Publié le par Jean-Pierre Morbois

This article aims to bring to the surface the philosophical background of Georg Lukács’s democratic theory by investigating his philosophy of dialectics in depth. It presents an innovative interpretation of his understanding of the role of the general committee of the Communist Party in the transition to socialism, and his support of Stalinism. Its aim is to investigate, in a far more rigorous way than has been done before, the relation of his theory of dialectics to the Frankfurt School’s theory of dialectics. Thus, for the first time in the literature, Lukács’s understanding of the role of the party is analysed by relating it to Max Horkheimer’s understanding of the role of the traditional intellectual.

Lire l'article complet :

https://fr.scribd.com/doc/242912816/Grollios-Dialectics-democracy-in-Georg-Lukacs-pdf

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Paul Nizan et Georg Lukács, chemins croisés au défi du fascisme.

Publié le par Jean-Pierre Morbois

Paul Nizan et Georg Lukács se connaissaient-ils ? Il ne semble pas que chacun d’entre eux ait pris connaissance des travaux de l’autre, car si l’on en juge aux index des noms cités dans leurs œuvres, on ne trouve pas de références réciproques.....

Lire la suite : http://fr.scribd.com/doc/221846377/Paul-Nizan-Et-Georg-Lukacs

Nous vous signalons la parution récente du deuxième tome des articles littéraires et politiques de Paul Nizan;

http://livre.fnac.com/a6719204/Paul-Nizan-Du-conflit-italo-ethiopien-a-la-victoire-du-front-populaire-espagnol

Parmi les imperfections de cette édition, signalons une erreur grave dans ce livre, page 638 : Une note de bas de page confond le colonel Józef Beck (1894-1944), à l’époque ministre des affaires étrangères de Pologne, avec le général allemand Ludwig Beck.

Le premier tome était paru en 2005 :

http://livre.fnac.com/.../Paul-Nizan-Articles-litteraires...

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Controverse entre amis sur l’Ontologie de Lukács

Publié le par Jean-Pierre Morbois

Recension critique.

Après avoir lu L’ontologie de l’être social et les Prolégomènes, pour une part dans la version publiée par les éditions Delga, et pour la première partie de l’Ontologie dans la traduction encore inédite de Jean-Pierre Morbois, Jacques Lederer publie à l’Harmattan un petit pamphlet intitulé :

L’ontologie écartelée de Georges Lukács
humble remontrance à un grand marxiste.

http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=42360

Ce texte émane d’un ami, par ailleurs grand admirateur de la pensée de Lukács, notamment en matière d’esthétique, disciple du Professeur Nicolas Tertulian à l’EHESS. Il n’est donc pas question ici de mettre en cause l’honnêteté de son auteur, ni la sincérité de sa fidélité affirmée à la pensée marxiste.

Il a abordé l’Ontologie avec un préjugé favorable, « tant les ouvrages qui l’avaient précédé réglaient leur compte de façon lumineuse aux principaux courants réactionnaires de la pensée contemporaine », mais au fil des pages, il s’est senti mal à l’aise avec « l’approche ontologique » qui recèle selon lui d’« insolubles contradictions », avec « la catégorie même de l’ontologie… étrangère à l’esprit du marxisme. »….

Lire la suite…
http://fr.scribd.com/doc/213657362/Controverse-Entre-Amis

Lire le texte de Jacques Pollak-Lederer :
https://fr.scribd.com/doc/253167184/Jacques-Pollak-Lederer-Ontologie-Ecartelee-de-Lukacs

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Parution des actes du colloque Lukacs de Budapest, octobre 2010

Publié le par max92

http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=39972

 

TABLE

Présentation

Pierre Rusch                                                                                 7

Ce que l’on peut conserver de Georg Lukács

Ágnes Heller                                                                               11

I.                   LUKÁCS ET L’ÉTHIQUE

Tragédie et Modernité chez  Lukács

Jean-Loup Thébaud                                                                    31

Voyage sans rerour. Le Virage de Lukács et la question éthique

Ottó Hévizi                                                                                 49

De Dostoïevski à Marx – La genèse de l’Éthique

NicolasTertulian                                                                         61

II.                LUKÀCS ET L’ESTHÉTIQUE

Esthétique — Révolution – Esthétique

MihâlyVajda                                                                               81

Lukács : La littérature à la lumière de la théorie critique du réalisme.

Guido Oldrini                                                                             93

Critique de la doxa moderniste. Pertinence contemporaine et limites méthodologiques.

Gabriel Rockhill                                                                        111

La particularité comme catégorie de la localité.

Zsolt Bagi                                                                                 135

III.             LUKÁCS ET LA RAISON DANS L’HISTOIRE

Philosophie de l’histoire et conception du temps. Marx ; Lukács, et nous

Franck Fischbach                                                                      155

En défense de La Destruction de la raison.

Jénos Kelemen                                                                          177

Le statut de la philosophie dans le dernier système de Lukács.

Pierre Rusch                                                                               189                                                                           

IV.            LUKÀCS ET L’ONTOLOGIE

L’Ontologie de l’être social et sa réception.

Jean-Pierre Morbois                                                                  207

Les catégories modales dans l’Ontologie de Georg Lukács – une confrontation avec Nicolai Hartmann et Ernst Bloch

ClaudiusVellay                                                                         227

Être parmi les choses. L’ontologie de Lukács dans une perspective contemporaine.

ÁdámTakács                                                                             243

L-actualite-de-Georg-Lukacs.jpg

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Nicolas Tertulian - Le dernier Lukács : Pensées prémonitoires.

Publié le par max92

                          Présentation du "testament politique" de Lukács

Cites392009
Lukács avait 86 ans, il était atteint d’une maladie grave : un cancer au poumon, les forces commençaient à le quitter, au point qu’il n’arrivait plus à lire et à corriger le manuscrit de son dernier travail philosophique : Prolégomènes à une ontologie de l’être social, achevé en automne 1970, lorsqu’il a accepté la sollicitation des instances dirigeantes de son Parti à donner son point de vue sur la situation politique en Hongrie et dans les pays du « socialisme réel ». L’enregistrement de son interview n’est devenu public que vingt ans plus tard : c’est seulement en avril 1990 que la revue Tarsadalmi Szemle, organe théorique du parti communiste hongrois, publication qui dans le passé avait vivement attaqué Lukács pour son révisionnisme, a sorti le texte de sa relégation dans les archives du Parti et l’a fait paraître sous le titre « Le Testament politique de Lukács ». Un parti politique aux abois, défait par la marche implacable de l’histoire (le mur de Berlin est tombé en novembre 1989), s’est subitement rappelé les avertissements et les critiques prodiguées à son endroit par un de ses membres les plus anciens, acteur de premier plan de la Commune hongroise de 1919, par ailleurs aussi un philosophe très célèbre, et a cru pouvoir à la dernière heure sauver ses meubles en faisant état d’un programme d’authentique régénération démocratique des sociétés de l’Est avancé par celui que le même Parti avait condamné pendant des décennies à la marginalité et à l’ostracisme. On peut rappeler qu’une situation analogue s’est produite avec un autre manuscrit à caractère politique de Lukács : il s’agit du texte élaboré entre l’été et l’automne de l’année 1968, suite aux événements du « printemps de Prague » (Lukács avait protesté dans une lettre adressée au chef du Parti, János Kadar, contre la participation de la Hongrie à l’invasion soviétique), texte portant le titre « Demokratisierung heute und morgen » (traduit en français en 1989 aux Éditions Messidor sous le titre « Socialisme et démocratisation ») : le texte confié par Lukács à son Parti n’a pas reçu l’imprimatur, jugé dangereux par les instances dirigeantes, il a été gardé au secret dans les archives du Parti,  et c’est seulement vingt ans plus tard, en 1988, qu’il a été édité aux éditions Magvedo Kiado, accompagné cette fois des commentaires élogieux du journal du Parti Nepszabadsag (un article sur une page entière portant le titre « Prophétie attardée ? Le testament de György Lukács »). Les dirigeants d’un Parti qui auparavant n’a pas cessé de traquer Lukács pour ses différentes « hérésies », découvrent subitement (hélas ! il était trop tard) la justesse de ses vues politiques, à commencer avec celles exprimées dans ses fameuses « thèses Blum », le programme du Parti élaboré par Lukács en 1928, préconisant une voie démocratique de passage au socialisme, programme rejeté par l’Internationale Communiste et par Béla Kun comme « droitier » : István Mészáros cite dans son livre Beyond Capital un article publié au printemps 1989 par un des dirigeants du Parti, Resző Nyers, futur Président du Parti rénové, qui affichait sa solidarité avec la ligne politique défendue depuis des décennies par Lukács. Mais le rouleau compresseur des événements a rendu caduques ces tentatives qui à l’évidence arrivaient trop tard, le mal était trop radical pour qu’on puisse contenir la révolte contre le système, les vues prémonitoires de Lukács sur la profondeur de la crise qui frappait les sociétés du « socialisme réel » vont trouver une confirmation qui va dépasser de loin ses pressentiments.
Pour revenir au texte de l’interview accordée par Lukács en janvier 1971, quelques mois avant sa disparition, la sévérité de ses jugements sur les dysfonctionnements structurels des sociétés du « socialisme réel », en particulier la virulence de ses propos sur la crise de la démocratie et la survivance du funeste héritage du « stalinisme », n’ont pas de quoi surprendre chez un philosophe dont le trajet intellectuel a été traversé du combat pour faire vivre l’inspiration originelle du marxisme. Le socialisme n’était concevable pour Lukács qu’en tant qu’aboutissement de la démocratie, un socialisme sans démocratie, plus précisément qui aurait été autre chose que la radicalisation des revendications démocratiques, lui apparaissait comme une perversion irrémédiable de la pensée de Marx. Sollicité par son Parti à donner son point de vue sur la ligne politique suivie par le régime en place, le philosophe fait d’abord entendre sa colère devant le monstre historique édifié dans son pays par le régime stalinien de Mátyás Rákosi. On perçoit dans son réquisitoire l’expérience vécue par un ancien communiste, confronté à une oligarchie du Parti qui a usurpé le programme du socialisme pour instituer une société despotique et totalitaire : le procès Rajk  a été à l’évidence une expérience cruciale, le « testament politique » y insiste à juste titre, car aux yeux de Lukács c’était une expression paroxystique des dérives criminelles du régime stalinien. Il faut se souvenir qu’en 1949-50, objet lui-même d’un procès idéologique pour ses concessions à l’idéologie bourgeoise et minimisation de la portée du « réalisme socialiste » soviétique, procès qui faisait suite précisément à l’« affaire Rajk », il s’est vu traité dans la presse du Parti de « Rajk de la culture », tandis que Fadéev dans la redoutable « Pravda » le dénonçait pour ses collusions avec l’Occident bourgeois. Ce sont des choses qu’on n’oublie pas : Lukács a connu les pratiques du stalinisme du dedans, incrustées dans sa chair, le fait que le régime de Rákosi a condamné à mort László Rajk, dont Lukács ne cesse d’affirmer qu’il était un « rakosiste orthodoxe » (et non un « opposant », comme c’était le cas lors des « procès de Moscou », avec Zinoviev ou Boukharine, procès qu’il qualifie non moins d’« abominations » : cf. « Pensée vécue Mémoires parlées », p.148), lui apparaît comme un exemple-limite de la perversion du régime.
Lukács pourfend dans le « socialisme » de type stalinien la perpétuation des pires traditions du passé : il est remarquable de voir comment il établit dans son « testament politique » une continuité entre les traditions non-démocratiques dans l’histoire sociale de l’Europe (la « voie prussienne », par exemple, opposée à celle issue de la Révolution française) et les pratiques autocratiques des régimes staliniens. Celui qui n’a cessé de déplorer la « faiblesse sociale des mouvements radicaux » dans son pays, la Hongrie, cherche ses points d’appui pour la souhaitée régénération démocratique du socialisme dans la reviviscence des traditions incarnées par les noms de Petöfi, de Ady Endre et de Jószef Attila, et, last but not least, de Béla Bartók, représentants à ses yeux de la démocratie radicale.
L’atrophie, jusqu’à l’anéantissement, des pratiques démocratiques dans les pays du « socialisme réel » est l’objet d’une critique sans ménagements. Le « testament » pointe le surgissement des grèves « sauvages » comme la contrepartie de l’absence d’une vraie démocratie ouvrière (Lukács a saisi la portée du mouvement des ouvriers de Gdansk, qui va mener à la création du premier syndicat indépendant dans les pays de l’Est, Solidarność). Ses avertissements étaient destinés à ouvrir les yeux de la bureaucratie régnante sur les conséquences catastrophiques de ses pratiques. La sympathie qu’il témoigne à la personne de János Kadar ne l’empêche pas de contester vivement l’existence de la démocratie sous son régime. Sans doute, il ne cache pas non plus ses réserves à l’égard de Imre Nagy, mais il n’oublie pas de rappeler qu’il a opposé une catégorique fin de non-recevoir aux injonctions de ses inquisiteurs soviétiques et roumains, qui lui demandaient de se désolidariser du leader de l’insurrection de 1956, lorsqu’ils étaient internés ensemble dans une villa près de Bucarest.
L’auteur de l’Ontologie de l’être social, son grand ouvrage posthume, n’avait donc pas tort de considérer qu’il incarnait un tertium datur entre un communisme sectaire et dogmatique et la social-démocratie : contre les partisans d’un socialisme instauré par les moyens dictatoriaux, pratique commune aux régimes des « démocraties populaires » de type stalinien, il a défendu la voie des « transitions organiques », fondées sur la persuasion et la libre adhésion ; il a été effectivement, comme il s’auto-définissait dans son interview autobiographique, un « communiste d’un type particulier », celui qui affirmait la priorité absolue de la démocratie, en considérant le socialisme comme une simple « possibilité », qui demande un ensemble complexe de conditions, dont la première est le libre choix, pour arriver à se réaliser.

                                                                                          Nicolas Tertulian
Le texte de ce Testament politique est accessible ici :

http://fr.scribd.com/doc/114112734/Georges-Lukacs-Testament-politique

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Nicolas Tertulian : Prélude à l’Ontologie

Publié le par max92

Le texte inclut des extraits d’une conférence donnée à la Société française de Philosophie le 26 mai 1984 sous le titre  : L’Ontologie de Georges Lukacs (cf.Bulletin de la Société française de Philosophie, 78e Année, No. 4, pp. 129-158) et d’un article paru sous le titre La pensée du dernier Lukacsdans la revue Critique (n° 517-518, juin-juillet 1991, pp. 594-616).

Première partie de la préface à l'Ontologie de l'être social.

Dans une lettre datée du 10 mai 1960, Georg Lukács annonçait à son ami Ernst Fischer, l’achèvement de l’Esthétique (en fait la première partie d’un ensemble qui devrait en comporter trois) et son intention de commencer sans retard l’élaboration de l’Éthique. Lettre importante, du fait qu’elle situe avec assez de précision le moment où le philosophe entame la préparation de son dernier grand ouvrage, mais aussi du fait qu’elle contient un aveu intéressant sur la genèse de sa création. Lukács s’y révèle non pas comme une simple machine spéculative, génératrice d’abstractions sur les espaces quasi infinis d’œuvres gigantesques, mais comme un être qui « vit ses idées ».

Dans les mois et les années qui suivirent cette lettre, mois d’intense réflexion, il arriva à la conclusion que l’Éthique devait être précédée d’une Introduction, où seraient examinées les composantes fondamentales et la structure de la vie sociale. L’envergure de la tâche, que se proposait de mener à bonne fin le philosophe âgé alors de 75 ans, ne tenait pas compte des limites de l’existence humaine. L’Éthique est restée à la phase de projet ; seule l’«Introduction», qui allait absorber les dix dernières années de sa vie, fut réalisée sous le titre « l’Ontologie de l’être social » (Zur Ontologie des gesellschaftlichen Seins). Mais Lukács n’eut pas le temps de donner l’imprimatur de la publication intégrale de son dernier grand ouvrage philosophique, qui, à sa mort, intervenue en juin 1971, resta en manuscrit.

On peut se demander si le volumineux manuscrit de plus de 2000 pages (y compris les Prolégomènes, écrits un an avant sa mort), se présente comme un gigantesque torso, première version qui attendait encore un profond travail de remaniement et d’affinement (« Le travail avance très lentement. Je suis assez mécontent du manuscrit », écrivait-il le 5 août 1970 à son éditeur ouest-allemand, Frank Benseler [2]), ou si nous nous trouvons au contraire devant un ouvrage plus ou moins accompli, vrai terminus ad quem d’un itinéraire intellectuel exceptionnellement long. Mais indépendamment des conjectures qu’on peut formuler sur les intentions finales de l’auteur, la lecture du texte qui est devenu l’opus postumum de Georg Lukács, en atteste pleinement l’importance.

L’initiative lukácsienne de jeter les bases d’une ontologie de l’être social n’est pas une entreprise si isolée ou insolite que pourrait le laisser croire le titre de son ouvrage. Georg Simmel, le premier maître à penser du jeune Lukács avait déjà lancé dans sa Sociologie, la question décisive qui hante la pensée de l’auteur de l’Ontologie de l’être social : « Comment la société est-elle possible ? » (« Wie ist Gesellschaft möglich ? »). Enfin les travaux beaucoup plus récents de Jürgen Habermas, depuis ses contributions à une « reconstruction du matérialisme historique » jusqu’à ses recherches sur l’action communicationnelle, s’inscrivent elles aussi dans la même direction. Mais il nous semble que l’originalité de la dernière synthèse philosophique de Lukács doit être cherchée ailleurs, dans une autre perspective historique.

Avant d’indiquer la place qu’occupe cet ouvrage dans la biographie intellectuelle de l’auteur lui-même, nous serions tentés d’identifier une de ses sources importantes, sinon la plus importante, dans un mouvement de pensée extrêmement puissant, dont on peut dire aujourd’hui qu’il a bouleversé le paysage philosophique allemand et international à partir des années 20 de notre siècle. La résurrection de l’ontologie en tant que discipline philosophique fondamentale, après les décennies de pensée néo-kantienne, est, en effet, liée à deux grands noms, auxquels l’avenir réservait, certes, des audiences très diverses, mais qui ont marqué chacun à sa manière la pensée philosophique contemporaine : Nicolai Hartmann et Martin Heidegger.

Ceux qui connaissent la trajectoire philosophique de Lukács ont découvert avec surprise la profonde solidarité intellectuelle qui lie sa pensée dans la dernière période de sa vie à la philosophie ontologique de Nicolai Hartmann. Il est vrai que l’effort considérable déployé par ce dernier, à travers une œuvre d’une grande richesse, pour déplacer le centre de la problématique philosophique de l’épistémologie vers l’ontologie, pour interroger avant tout la ratio essendi des choses, en subordonnant la ratio cognoscendià celle-ci, et pour réactualiser ainsi une grande tradition métaphysique, qui va d’Aristote à travers l’ontologie médiévale jusqu’à Kant et à la Logique de Hegel, n’a pas eu les suites escomptées. Si l’on en juge d’après le silence, de plus en plus lourd, qui a entouré l’œuvre de Hartmann dans les décennies qui ont suivi sa mort (1950), on peut même croire que sa tentative pour rétablir l’ontologie dans ses droits, s’est soldée par un échec. La prééminence de l’existentialisme et du néo-positivisme sur la scène de la philosophie contemporaine en fournissent la preuve.

La situation de Martin Heidegger est, bien sûr, tout à fait différente, car l’influence et l’audience de sa pensée n’ont cessé de s’accroître. Mais il faut reconnaître qu’après la fameuse Kehre (après la conversion, dans la période postérieure à Sein und Zeit), après que l’auteur lui-même eut renoncé au concept d’« ontologie fondamentale », le jugeant encore trop enraciné dans la tradition métaphysique de la philosophie, et surtout après qu’il eut entrepris dans de nombreux écrits la « déconstruction » (ou, plus précisément, la destruction) de cette tradition ontologique, on a commencé à oublier combien la résurrection de l’ontologie dans la philosophie contemporaine est liée à l’impulsion décisive de la pensée du premier Heidegger : les affinités profondes qui la liaient sur ce plan, malgré leurs grandes différences, voire leur opposition, avec la pensée de Nicolai Hartmann, nous semblent évidentes. C’est surtout maintenant, grâce à la publication dans la séries des œuvres complètes des cours de la période 1919-1930, entre autres, par exemple : Ontologie der Faktizität (1923), Prolegomena zur Geschichte des Zeitbegriffs (le cours donné à Marbourg en 1925), Die Grundprobleme der Phänomenologie (cours de 1927, toujours à Marbourg), Metaphysische Anfangsgründe der Logik (cours de 1927, à Marbourg), sans oublier le dernier de cette série : Die Grundbegriffe der Metaphysik. Welt, Endlichkeit, Einsamkeit (cours de 1929-30, à Fribourg) que le poids de cet aspect éminemment ontologique de la pensée de Heidegger peut être mesuré à sa juste valeur.

Le rapprochement Heidegger-Lukács ne doit pas sembler hasardeux, si on se rappelle les spéculations réitérées auxquelles ont donné lieu les similitudes de problématique entre la critique de la réification dans l’ouvrage de jeunesse de Lukács, Histoire et conscience de classe (Geschichte und Klassenbewußtsein) (1923) et l’analyse heideggérienne de la tension entre l’existence inauthentique et l’existence authentique de l’être-là, développée dans Sein und Zeit. Si l’attitude de Lukács à l’égard de Heidegger reste très critique dans l’Ontologie, il ne faut pas en effet oublier qu’en tant qu’Ontologie de l’être social, l’ouvrage de Lukács constitue, dans sa partie la plus intéressante, une philosophie du sujet, en accordant une place importante à l’analyse de ce qu’on pourrait appeler les niveaux phénoménologiques de la subjectivité : les actes d’objectivation, d’extériorisation, de réification et d’aliénation ou désaliénation du sujet. Cette problématique rappelle inévitablement les analyses heideggériennes de la structure ontologique du Dasein, spécifiques à la période de Sein und Zeit (bien que des différences fondamentales, séparant les deux penseurs, soient évidentes), tandis que, dans l’œuvre de Nicolai Hartmann, si nous ne nous trompons pas, le concept d’aliénation n’est même pas évoqué en tant que tel. Les sources de ces concepts lukácsiens se trouvent bien sûr dans les écrits de Hegel et de Marx (Lukács a consacré au concept d’aliénation chez Hegel, le paragraphe final de son important livre sur Le jeune Hegel), et non dans Heidegger, mais on peut rappeler en passant la présence des concepts de chosification (Versachlichung) et de réification (Verdinglichung) dans la Philosophie de l’argent de Georg Simmel (livre qui a beaucoup marqué le premier Lukács) et celui de Verdinglichung dans l’étude de Husserl, Philosophie als strenge Wissenschaft (parue dans la revue Logos en 1910-1911, la même année que l’essai de Lukács sur la Métaphysique de la tragédie), deux auteurs qui ont beaucoup influencé le premier Heidegger.

Quatre décennies après l’apparition de l’étude fondamentale de Nicolai Hartmann Comment une ontologie critique est, somme toute, possible ?(1923) et après la publication de Sein und Zeit (1927) de Heidegger, Lukács reprend, dans son Ontologie de l’être social (dont la rédaction proprement dite commence en 1964), avec des instruments intellectuels bien différents, le programme de ces deux penseurs qui visaient à reconstruire l’ontologie en tant que discipline fondamentale de la réflexion philosophique. S’il s’agissait de situer le lieu géométrique idéal de l’ontologie de Lukács par rapports à ses deux prédécesseurs, on pourrait dire, en une formule extrêmement sommaire et approximative, qu’il s’est proposé d’élaborer une « analytique de l’être-là » (le Dasein heideggérien étant conçu cette fois-ci, dans l’esprit de Marx, comme un être par définition social), avec des catégories et des concepts beaucoup plus proches de l’ontologie réaliste de Nicolai Hartmann.

Lukács était persuadé à la fin de sa vie que c’était dans son Ontologie qu’il avait donné une expression essentielle et définitive à sa pensée (même si, on l’a vu, il n’était pas tout à fait satisfait de son manuscrit. « L’Ontologie est une science philosophique encore trop jeune. Je n’ai pas réussi à y exprimer mes idées comme je l’ai fait dans l’Esthétique... » - nous confiait-il lors d’une de nos dernières rencontres, en mars 1971). Il avait l’habitude de dire que c’est le privilège de quelques génies de la philosophie, tels Aristote ou Marx, d’avoir clarifié, très tôt, à vingt ans, l’essentiel de leur pensée novatrice ; pour les autres, pour le commun des mortels, il peut arriver, comme c’était, disait-il non sans humour, son cas, que c’est seulement vers 80 ans, qu’ils réussissent à éclaircir l’essentiel de leur philosophie.

L’itinéraire intellectuel de Lukács a en effet connu tant d’avatars et de conversions spectaculaires, depuis le néo-kantisme et la Lebensphilosophie de ses premiers écrits (outre Georg Simmel et Max Weber, il a compté parmi ses amis plus âgés Emil Lask, le moins orthodoxe des néo-kantiens de la Südwestdeutsche Schule, qui a beaucoup influencé Heidegger), en passant par le marxisme fortement hégélianisé, manifeste dans son livre Histoire et conscience de classe, jusqu’au marxisme rigoureux de sa période de maturité (période qui commence au début des années trente), qu’on peut se demander sous quel angle il faut éclairer son Ontologie de l’être social pour y déceler le dénouement d’un si laborieux itinéraire.

Cet ouvrage de Lukács était attendu pour des raisons qui ne sont pas toutes philosophiques. Le destin intellectuel du penseur a été fortement marqué par son engagement, de plus de 50 ans, dans le mouvement communiste (il est devenu membre du Parti communiste hongrois en décembre 1918, il l’est resté jusqu’à la fin de sa vie, avec une suspension de 11 ans, après les événements d’octobre 1956, pendant lesquels il se trouvait du côté des insurgés en tant que ministre du gouvernement Imre Nagy). En tant que conclusion d’un long cheminement, l’Ontologie devrait permettre de décider enfin si la pensée de Lukács avait effectivement subi, après l’abandon de certaines positions de son livre, longtemps le plus fameux, Histoire et conscience de classe, et après la traversée de la période stalinienne, une involution comparable à un sacrifizio dell’intelletto (ainsi que l’affirmait Adorno, ainsi que l’avait affirmé avant lui, mais avec beaucoup plus de nuances, Maurice Merleau-Ponty dans les Aventures de la dialectique) ; ou si, au contraire, en mûrissant, elle est arrivée à fournir une vraie théorie universelle des catégories de l’existence, capable de prémunir la conscience contre toute forme d’aliénation; si, enfin, le philosophe est arrivé, grâce notamment à la formulation d’un concept bien articulé de la vraie humanitas de l’homo humanus, (de ce que lui-même appelle la Gattungsmäßigkeit-für-sich - la spécificité du genre humain-pour-soi, et qui constitue le point d’orgue de son Ontologie) à prendre effectivement de la hauteur et à dissiper la méfiance qui l’avait si longtemps entouré.



[1] 

[2] La lettre est encore inédite, nous avons pu la consulter aux Archives-Lukacs de Budapest.

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